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Mali : la reprise du pouvoir par les militaires ramène le pays neuf mois en arrière

La démission du couple exécutif de transition redonne aux militaires la main sur le processus de transition consécutif au coup d’Etat d’août 2020.

Arrêtés lundi, démis mercredi. Trois jours auront suffi à ce que le Mali perde, avec le président Bah N’Daw et le premier ministre Moctar Ouane, le gouvernement civil de transition qui devait amener le pays à la stabilité institutionnelle en dix-huit mois, après le putsch d’août 2020 qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, surnommé « IBK ».

A leur place, le colonel et vice-président Assimi Goïta assure de facto l’intérim à la tête de l’Etat. Nos explications.

  • Un nouvel épisode de la confusion post-IBK

Emmanuel Macron a qualifié la crise malienne de « coup d’Etat dans le coup d’Etat ». Elle ramène le pays neuf mois en arrière, au précédent putsch d’août 2020. A l’époque, les résultats contestés des élections législatives avaient déclenché la colère des Maliens, descendus dans la rue pour réclamer le départ d’IBK. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), conglomérat d’organisations de la société civile et de partis politiques, était le principal instigateur des grandes manifestations qui ont entraîné la chute de celui qui présidait le pays depuis 2013.

Les militaires étaient alors venus, selon leurs mots, « parachever la lutte du peuple » à travers le coup de force du 18 août. Sous la pression internationale, ils ont ensuite laissé s’installer les autorités de transition, tout en conservant la mainmise sur des leviers du pouvoir. Exaspérés par des années de violence, de pauvreté et de corruption, les Maliens avaient accueilli favorablement ce renversement.

  • Une transition sous forte influence militaire

Après le coup d’Etat, une charte de transition, rédigée en grande partie par les colonels, institue le processus par lequel le pouvoir doit être rendu aux civils. Redoutant que la junte fasse main basse sur l’Etat, la communauté internationale et les Etats ouest-africains obtiennent que des élections présidentielle et législatives soient organisées dans les dix-huit mois – au lieu du délai de deux à trois ans souhaité par les militaires – et que soient nommés un président et un premier ministre issus de la société civile.

Dans les faits, l’ex-junte conserve néanmoins la haute main sur certaines nominations, place les siens au sein des ministères et remplace nombre de civils par des militaires aux postes de gouverneurs. La vice-présidence chargée des questions de défense et de sécurité est taillée sur mesure pour Assimi Goïta, qui devient vite un interlocuteur obligé pour les partenaires étrangers.

La période de transition était censée amener à une nouvelle Constitution soumise à référendum et à une modification de la loi électorale d’ici à octobre, à la relecture de l’accord de paix d’Alger signé en 2015 avec les ex-groupes rebelles du nord du Mali, à des recrutements massifs dans l’armée pour accélérer la lutte contre le terrorisme… Un programme rapidement jugé impossible à tenir par nombre d’acteurs maliens.

  • Un périlleux remaniement du gouvernement

Comme en 2020, les difficultés de l’exécutif, fragilisé par des semaines de contestation politique et sociale, ont donné aux militaires une occasion de pousser leurs pions. Au début du mois de mai, le M5-RFP avait réclamé la « dissolution » du gouvernement de transition et la « relecture » de l’accord de paix avec certains groupes armés. Le 17 mai, une grève à l’appel de la principale organisation syndicale, l’Union nationale des travailleurs du Mali, paralysait les banques et les services publics à Bamako, après l’échec de négociations avec le gouvernement sur les salaires, les primes et les indemnités.

Pour répondre à la crise, le premier ministre Moctar Ouane avait présenté la démission de son gouvernement trois jours plus tôt. Il était immédiatement reconduit par le président avec pour tâche de former une équipe d’ouverture. Enjeu central : la place des militaires. Dans le nouvel exécutif, ceux-ci conservent quatre ministères, dont ceux, cruciaux, de la défense et de la sécurité. Mais les deux membres de l’ancienne junte qui se trouvaient à leur tête, les colonels Sadio Camara et Modibo Koné, se voient remplacés par les généraux Souleymane Doucouré et Mamadou Lamine Ballo. Ces derniers sont plutôt éloignés des positions des putschistes : ils avaient d’ailleurs été arrêtés lors du coup d’Etat de 2020.

Ce n’est pas du goût d’Assimi Goïta. Le vice-président à la sécurité reproche au président et au premier ministre de former un gouvernement sans le consulter, en dépit de ses prérogatives essentielles pour le pays, pris dans la tourmente de la propagation djihadiste et des violences. « Une telle démarche témoigne d’une volonté manifeste (…) d’aller vers une violation de la charte de transition », estime-t-il. Le président comme le premier ministre sont arrêtés lundi 24 mai et déclarés démissionnaires par les militaires. Ils recouvrent la liberté dans la nuit de mercredi à jeudi.