Il y a 64 ans jour pour jour, la France a déclenché une explosion nucléaire dans le Sahara. Elle a été suivie par une série d’autres essais jusqu’en 1966, et ce alors même que l’Algérie a accédé à l’indépendance en 1962.
Sputnik Afrique revient sur ce dossier très sensible qui empoisonne encore aujourd’hui la relation entre Paris et Alger.
Le 13 février 1960, dans le cadre de l’opération baptisée Gerboise bleue, la France a réalisé son tout premier essai nucléaire dans le désert du Sahara, à Reggane.
L’explosion a atteint une puissance d’environ 60 à 70 kilotonnes, soit quatre fois celle d’Hiroshima, au Japon.
En 1962, l’Algérie a obtenu son indépendance, mettant fin à la colonisation française. Toutefois, Paris a continué ses essais pendant plusieurs années après cette date.
Entre 1960 et 1966, la France a effectué 17 autres expérimentations nucléaires: 4 explosions aériennes dans la région de Reggane et 13 explosions souterraines à In Ecker.
À l’époque, les forces d’occupation françaises ont prétendu que les essais avaient eu lieu dans des zones inhabitées, alors qu’elles comptaient plusieurs milliers de civils.
Le bilan total des explosions nucléaires françaises entre 1960 et 1966 en Algérie est de 600 kilotonnes, soit plus de 46 fois la bombe d’Hiroshima et plus de 28 fois celle de Nagasaki.
Des quantités importantes de plutonium ont été dispersées sur des milliers d’hectares.
L’armée française a utilisé 150 cobayes algériens lors de l’explosion de la bombe « Gerboise blanche », 101 autres cobayes algériens pour « Gerboise rouge » et enfin 195 cobayes français pour « Gerboise verte ». Les éléments d’une unité militaire française ont été également utilisés comme cobayes dans « l’Opération Pollen ».
Les habitants de ces régions souffrent toujours des séquelles des explosions, avec le recensement chaque année de plusieurs cas de cancer, de malformations congénitales et de stérilité.
Les essais nucléaires ont également causé des dommages environnementaux importants, contaminant les sols et les nappes phréatiques de la région.
Six accidents majeurs ont été répertoriés entre 1962 et 1965: deux à Reggane et quatre à In Ecker. Huit autres essais souterrains au Tan Affela ont provoqué des fuites de gaz radioactifs de moindre importance.
Le fait le plus marquant s’est produit le 1er mai 1962, lors de l’explosion souterraine répertoriée sous le nom de code Béryl. C’est le premier accident nucléaire, surnommé Tchernobyl 1 par les experts. La puissance de la bombe était de 30 kilotonnes et les parois de l’enceinte de confinement ont cédé. Une lave radioactive s’est formée et s’est répandue sur un rayon de 300 mètres, libérant un nuage radioactif qui a franchi la frontière algérienne avec la Libye. Pas moins de 2.000 civils et militaires, qui ont aussi assisté à l’explosion, et des habitants de la région ont été contaminés. Actuellement, cette région est gravement affectée par les déchets radioactifs, ce qui a un impact sur la santé de ses habitants.
Les autorités algériennes n’ont obtenu aucune carte ou plan des sites d’enfouissement des matériaux radioactifs pour procéder à une décontamination.
La seule carte concernant la première explosion atmosphérique, « Gerboise bleue », déclassifiée il y a dix ans, montre au moins 26 pays africains contaminés. Même le sud de l’Europe, à savoir les côtes espagnoles et la Sicile ont vu arriver le nuage radioactif.
Paris n’a pas non plus versé de compensations aux victimes algériennes ni à leurs familles, malgré le vote en 2010 d’une loi qui prévoit de dédommager les victimes des essais nucléaires français. Depuis, une seule victime « habitant en Algérie » a pu obtenir réparation.
Les Algériens « attendent une reconnaissance totale de tous les crimes commis par la France coloniale », a déclaré à la presse le chef d’État Abdelmadjid Tebboune. Il a insisté sur l’obligation pour la France de « nettoyer les sites des essais nucléaires » et de soigner ses victimes.
Vu l’impossibilité pour l’Algérie d’assumer seule la tâche de décontamination d’un territoire s’étalant sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés, la nécessité d’une coopération internationale est indiscutable. Par exemple, le Royaume-Uni, qui a mené des essais nucléaires en Australie, a par la suite décontaminé certaines régions, tout en indemnisant les victimes.
Source : Sputnik
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