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Situation politique en Afrique et surtout au Niger : et le Gabon pour sauver la face de la France ?

Le 30 août 2023 au matin, l’Afrique s’est réveillée avec un coup d’Etat, un de plus pour certains, un de trop pour d’autres. Et si la saison des pluies qui sévit en ce moment en Afrique était la saison des coups d’Etat?

Toutefois une lecture attentive des événements de ce 30 août 2023 à Libreville au Gabon appelleccccc à interroger le rôle de la France et le profit qu’elle peut en tirer. Au final, une occasion de se sortir du bourbier CEDEAO au Niger.

1- Gabon, prèsidentielle et troubles politiques

Le Gabon était engagé dans des élections générales qui devaient se dérouler le samedi 26 août 2023. Et comme toujours dans ce genre d’élections couplées et multiples, l’élection présidentielle est celle qui cristallise les attentions.

Le Gabon de ce samedi 26 août 2023 présente la particularité de voir s’affronter pour la présidentielle plusieurs candidats donc deux majeurs. D’un côté, le sortant Ali Bongo au pouvoir depuis 2009 à la mort de son père Omar Bongo, président du Gabon depuis 1967, Ali Bongo avait déjà occupé de hautes fonctions sous les gouvernements de son père notamment celles de ministre de la défense. Toutefois depuis 2018, il a été victime d’un AVC qui l’a paralysé et amoindri ses facultés mentales et physiques.

De l’autre côté, le candidat Albert Ondo Ossa, agrégé d’économie depuis 1987, personnalité très écoutée du système CAMES et des questions de politiques économiques en Afrique, il a occupé de hautes fonctions au Gabon dont celles de ministre de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur sous Omar Bongo. Dans le cadre de la présidentielle du 30 août 2023, Albert Ondo Ossa a bénéficié du ralliement de certains pontes du régime désireux de mettre fin au règne de la famille Bongo. Les deux principaux candidats ont donc déjà eu l’occasion de se croiser lors de conseils ministériels sous la présidence Omar Bongo.

Il va s’en dire que ce décor entre familles politiques, élites, ralliements et reniements ne pouvait dans un pays d’à peine 850 000 électeurs ne pas susciter des inquiétudes. En effet, tous les observateurs avertis avaient déjà ressenti ce climat pesant pendant la campagne électorale et à quelques jours du scrutin. Certains gabonais avaient commencé à faire des provisions pour parer à toute éventualité. D’ailleurs, le fait de poster des hommes en tenue dans certains points de Libreville et la coupure des réseaux téléphoniques, d’internet et la suspension de certains médias avaient fini par convaincre que quelque chose ne tournait pas rond dans ces élections.

2- Élections et coup d’Etat du 30 août 2023 au Gabon

À 4h du matin de ce 30 août 2023, une heure aussi indue pour une population africaine (on parlerait des choses de la nuit ou de sorcellerie), le conseil gabonais des élections proclaimait les résultats des élections donnant Ali Bongo, candidat sortant, vainqueur de la présidentielle. Jusque là, toutes les tendances donnaient son challenger gagnant compte tenu des soutiens qu’il avait engrangé. D’ailleurs au sortir de son bureau de vote, Albert Ondo Ossa avait annoncé la couleur en se proclamant vainqueur.

Ainsi une heure après la proclamation des résultats, dans un communiqué diffusé sur la chaîne de télévision privée Gabon 1ere, les militaires annonçaient mettre fin au régime de Ali Bongo et à un processus électoral émaillé de fraudes. Le Gabon avait finalement son coup d’Etat réussi. Les soldats français (il y’en a actuellement 600 dans une base militaire au Gabon) qui avaient sauvé le pouvoir de Léon Mba ne sont pas intervenu pour sauver Ali Bongo.
Le coup d’État de 1964 au Gabon se déroule entre le 17 et le 20 février 1964 à l’initiative de militaires gabonais qui se dressent contre le président Léon Mba. le président destitué est envoyé à Lambaréné, à 250 kilomètres de la capitale, Libreville. Après avoir été informé par le chef de cabinet du président, Albert-Bernard Bongo, le président français, Charles de Gaulle, décide de restaurer le gouvernement Mba, en application d’un traité de 1960 signé entre les deux pays au moment de l’indépendance du Gabon. Deux compagnies de parachutistes français dont la Compagnie autonome de parachutistes d’infanterie de Marine (CAPIMa), aérotransportée sur Libreville, prend d’assaut, le 19 février, le camp de la Baraka, où s’étaient retranchés les rebelles, au prix d’un tué et trois blessés dans ses rangs. Cette action a été décisive pour la libération du Président Léon M’Ba deux jours plus tard

Un épisode qui avait ouvert la voie politique à Omar Bongo (Albert-Bernard Bongo à l’époque) qui devient président en décembre 1967 à la mort de Léon Mba des suites d’un cancer.

En ce 30 août 2023, le Gabon illumine le monde s’illumine par son coup d’Etat. En effet, la première réaction des militaires aura été de rétablir internet, les communications téléphoniques et les chaînes de télévision et radio coupées. Histoire de se légitimer et de donner à voir leur action.

Le monde découvre alors des images et peut mettre des noms sur des visages connus du sérail gabonais. Le principal auteur du coup d’Etat se révèle être le général commandant de la garde présidentielle de Ali Bongo.

3- Et la France dans tout ça !

Si les soldats français sont restés muets à Libreville, l’attitude de la France institutionnelle et politique mérite toutefois une attention.

D’abord ce mutisme des soldats français au Gabon. Nul ne peut ignorer les tensions perceptibles de la campagne. Paris aurait-il mis cela sous l’ambiance générale des tensions électorales en Afrique ? Il reste que les soldats français pouvaient difficilement en plein Gabon s’opposer aux militaires gabonais pour sauver le pouvoir de Ali Bongo.

Paris a donc expressément lâché Ali Bongo pour ne pas augmenter le sentiment antifrançais en Afrique. De plus il est paraît difficile de penser que ce coup d’Etat ait été orchestré depuis Paris. Cela donnerait un scénario de vrai thriller hollywoodien: faire monter les tensions préélectorales, créer les coalitions politiques, proclamer de faux résultats pour susciter la polémique, mettre les militaires dans la rue, aliéner le processus électoral, en finir avec un allié gênant. C’est trop beau et très risqué. Et encore rien ne garantit la docilité des nouvelles autorités qui vont chercher à se légitimiter par un soutien populaire. Le risque d’un coup d’Etat dans le coup d’Etat serait évident.

Ce scénario parfait du coup d’Etat orchestré depuis Paris ne profite donc à personne car les acteurs politiques, les vrais vainqueurs de l’élection pourront tôt ou tard réclamer leur victoire. Sauf à penser qu’ils se situent dans une complicité passive de la fraude électorale qui en rajoute à ce thriller.

4- Et le coup d’Etat gabonais qui sauve la France en Afrique ?

Alors qu’elle s’est décidée à remettre en scelle Mohamed Bazoum renverser par des militaires au Niger, y compris par la force, la France devrait adopter des mesures pour un retour à l’ordre constitutionnel au Gabon. Juste perception des choses.

Conformément aux résultats de la présidentielle proclamés par le Conseil Gabonais des élections, le vainqueur est Ali Bongo. Et alors si la France est respectueuse des institutions comme elle le proclame au Niger, elle devrait tout mettre en œuvre pour que Ali Bongo soit et reste président du Gabon. Ali Bongo est le vainqueur officiellement proclamé.

Il faut par conséquent comme elle le manifeste pour la CEDEAO faire jouer les institutions de la CEMAC pour protéger le résultat des urnes. Sauf à penser que face à la situation du Gabon, la France en viendrait à souhaiter une généralisation des coups d’Etat en Afrique pour tout remettre à plat en espérant tirer partie des élites nouvelles ou des anciennes élites recyclées qui en émergeraient.

5- Pour la France, vivement la saison des coups d’Etat en Afrique.

Alors que les réactions de la France officielle étaient attendues suite au coup d’Etat Gabonais, ce sont plutôt les médias français qui ont dégainé les salves en direction de l’Afrique.

Ainsi en comparant les cas Nigérien et Gabonais, un journaliste français s’est hasardé à une analyse selon laquelle le coup d’Etat gabonais serait l’émanation d’une volonté populaire alors que au Niger, il s’agit de militaires soucieux de protéger leurs prébendes. On se poserait alors la question de savoir comment après des élections les gabonais ont pu donner mandat à des militaires pour perpétrer un coup d’Etat.

De plus, le jeu des médias français fait depuis ce 30 août 2023, une dérivation sur le Cameroun, le Congo Brazzaville et la Guinée équatoriale. On se serait porter à croire que la France voudrait voir des coups d’Etat se produire à Yaoundé, Brazzaville et Malabo. La raison évoquée étant la longévité au pouvoir des chefs d’Etat de ces différents pays; comme pour faire un pendant à la longévité de la famille Bongo. Il faut toutefois rappeller que la Guinée équatoriale n’est pas une colonie française (ce pays a simplement adopté le franc cfa en 1986). Le Cameroun n’a jamais été une colonie française bien qu’il fut administré comme tel malgré le mandat de la SDN et la tutelle de l’ONU.

Par ailleurs, en Afrique de l’ouest, les dirigeants renversés par des coups d’Etat (et pour le cas spécifique du Niger qui dérange la France) ne sont pas dans une longévité au pouvoir. De plus, le cas ivoirien où Allassane Dramane Ouattara règne sans partage ne semble pas intéresser la France.

Au total, prise dans le feu des changements politiques et des réveils de conscience en Afrique, la France ne veut pas tout perdre. Et ne pouvant directement être à la manœuvre, elle en serait à souhaiter des renversements institutionnels par coup d’Etat dans l’espoir que la réconfiguration de l’ordre politique lui permettrait de retrouver sa place de puissance coloniale. Déjà qu’il se trouve toujours parmi les élites africaines des personnes qui pensent qu’il faille nécessairement et obligatoirement toujours composer avec la France. Et aussi celles qui estiment que la France n’est en rien responsable du malheur de l’Afrique alors c’est son système colonial qui a produit des États désarticulés et des élites coupées des réalités sociales et du peuple à travers une gouvernance de l’évergétisme et de la manducatiin.

Le Coup d’Etat au Gabon permet peut être de sauver la face par rapport au Niger mais il ne saurait réfréner la dynamique d’émancipation des populations africaines par rapport à la France. L’histoire enseigne que même les révolutions de palais sont porteuses de changement. Elles marquent des étapes dans la prise de conscience collective. Et à ce jeu, la France est perdante en Afrique quoiqu’elle fasse.

Alphonse Bernard Amougou Mbarga.